Ne me fais pas de promesses. Ne fais pas de promesses à ma mère, étendue sur son lit de mort et fatiguée de se battre. Ne me dis pas que tu vas construire un autre hôpital où je pourrai l’emmener prendre de nouveaux soins lorsque tu pourrais déjà nettoyer et équiper celui où elle est. Devant elle, les médecins défilent, établissent des diagnostics après des heures et même des jours de discussion souvent à huis clos. Puis pleuvent des prescriptions, assommant la famille de factures et nous plongeant dans une pauvreté proche de la misère. Mes yeux n’ont plus de larmes, mon cœur se déchire, mais je me console de voir que je ne suis pas la seule.
Autour de moi, la souffrance, la douleur et la maladie font rage ; je vois plein de visages blafards et la nuit, j’ai peur de fermer les yeux pour ne pas voir ceux qui sont morts sous mes yeux pendant la journée. Ma mère rend son fiel et chaque jour, je crains de la perdre mais, chaque matin, elle se réveille, avec le visage rempli d’espoir, souhaitant que cette nouvelle blouse soit porteuse de miracles. Elle souffre, cependant elle sourit. Cette femme est faite de contradictions et j’admire son courage ; j’aurais voulu que mes frères et sœurs soient tous autour d’elle pour la voir ainsi mais certains n’ont pas pu accepter de vivre cette descente progressive aux enfers. C’était trop dur ; d’ailleurs, il faut des tripes pour y arriver. Je ne leur en veux même pas ; je me dis que je suis peut-être le problème, la folle, l’éternelle optimiste, celle qui s’accroche à la beauté que fut ma mère.
Je continue à croire car elle continue de sourire et je n’arrête pas de m’accrocher aux bons souvenirs du passé, aux belles photos de sa jeunesse qu’elle m’avait montrées durant toute mon enfance et mon adolescence. Je me sens accroc à ma mère, j’ai des rêves qu’elle verra grandir mes enfants jusqu’à ce qu’à mon tour, je la rejoigne dans le ventre de la terre. Je respire avec et pour elle. J’admire ma mère car elle aime encore, par-delà l’inconscience de ses médecins. Et moi, je me laisse aller au pied de son lit, lui caressant la tête, priant comme elle que la pilule miracle arrivera à temps, avant qu’elle agonise pour de bon.
Connaissez-vous ma mère ? Chaque jour, je la drape de rouge et de bleu car c’est dans ces deux couleurs qu’elle a tissé sa fierté.
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