Mario détestait sa mère. Ou encore il détestait sa passivité ou sa soumission. A la maison, il ne comprenait pas pourquoi elle laissait son père la traiter avec autant d’indifférence. Il ne se rappelait pas, en quinze ans d’âge, combien de fois il les avait vus rire ensemble de manière franche et amoureuse. Il avait même oublié la dernière fois où ils avaient cassé ce silence lourd et persistant qui régnait dans leur maison. Aussi, Mario avait-il fait de son mieux pour mettre de l’ambiance soit par ses frasques qui avaient le don d’enrager sa mère, soit par la musique qui avait le pouvoir de la faire danser et sourire. Grace à cela, il avait l’impression de vivre, l’espace d’un cillement, dans un foyer chaleureux. Et cela le rendait heureux…
Sa mère resplendissait de beauté pourtant mais on voyait à sa mine habituellement mélancolique qu’elle était loin de vivre ses rêves. Lorsqu’elle éclatait de rire, un chant mélodieux résonnait aux oreilles de Mario : malheureusement, c’était un plaisir que seule la visite de quelques amies proches ou quelques membres de la famille apportait. Ces rencontres n’étaient pas aussi fréquentes qu’il aurait souhaité. Pourquoi s’obstinait-elle à demeurer auprès d’un homme qui la négligeait dans toute sa dimension de femme ?, se demandait-il.
Parfois, tapi dans l’ombre, il surprenait des conversations au cours desquelles des questions comme : « Pourquoi restes-tu auprès de lui ? Prends-tu le temps de te regarder dans le miroir chaque matin ? Pourquoi le laisses-tu te traiter de la sorte ? … » étaient soulevées. Elle y opposait des réponses dans lesquelles les mots « mariage », « la société », « divorce », « déshonneur », « le bien des enfants », « la famille », « le sacrifice » se retrouvaient toujours. Il ne comprenait pas tout le temps ces discussions d’adultes mais il savait qu’elles résumaient toutes les raisons qui poussaient sa mère à demeurer auprès de son père.
Plusieurs fois, il avait tenté de lui parler. Et plusieurs fois, elle avait esquivé le sujet, lui demandant de ne pas s’en préoccuper. Elle le rassurait sur l’amour que lui portait son père et sur le fait que les préoccupations quotidiennes expliquaient son comportement. Surtout après qu’il lui ait crié dessus un jour ou giflé un autre jour au cours d’une dispute, elle avait continué à feindre que leur vie était normale…
Mario, du haut de ses quinze ans, continue à s’inquiéter pour sa mère. Cela fait naitre en lui des sentiments contradictoires : l’amour et la haine. L’amour au nom de ses sacrifices, de sa présence auprès de sa famille. La haine au nom de son manque de courage. Selon lui, elle aurait dû partir depuis longtemps. Et c’est pourquoi il préfère souvent trainer dans la maison de son ami Pierre emplie de cordialité et d’harmonie. Il se sent impuissant car il sait que ses frères et sœur et lui sont les principales causes pour lesquelles sa mère est si mal-aimée…
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