Sébastien avait grandi à la campagne, entouré de sa mère et de ses grands-parents. Du haut de ses 12 ans, il aimait gambader et faire des cabrioles dans ces espaces verts qui s’étendaient à l’infini. Parfois, il s’allongeait sur l’herbe, les yeux perdus dans l’immense firmament, essayant de donner forme dans sa tête à ces masses de nuages. D’autres fois, toujours dans la fraîcheur herbeuse, il laissait son esprit vagabonder, planant au-dessus de lui, s’en allant à la rencontre de ces oiseaux géants qui transportaient des passagers au loin. Et alors, il rêvait…
Il rêvait à un être fort, grand et majestueux : son père. Un père dont il ignorait le visage, voire le nom. Un homme dont l’existence était tue dans la maison aux fenêtres vitrées, sujet tabou de toutes les conversations. Il ignorait tout de cet homme mais brulait de découvrir son identité, question pour lui de mieux cerner son propre caractère ! Mais, impossible d’interroger une mère qui faisait la sourde oreille dès qu’il s’agissait de quelque information à glaner sur son géniteur. Décidément, sa vie lui paraissait bien incomplète, le mystère demeurant entier.
Cependant, un jour où, comme à l’accoutumée, il admirait les nuages, une ombre se dressa brusquement devant lui. Surpris, il se redressa, tentant d’identifier son trouble-fête. Wow ! Qui pouvait bien être cette dame à la robe immaculée, aux cheveux couleur de blé, avec une peau d’ébène et des yeux caramel, qui lui souriait ? Saisi de peur, il sentit subitement sa gorge se sécher et sa langue s’alourdir dans sa bouche.
- N’aie crainte Sébastien, le rassura-t-elle. Je m’appelle « Fée qui donne ». Je suis là parce que tu as besoin de moi.
Sébastien n’en revenait pas. Jamais il n’avait fait appel à une fée ! Ensuite, de quoi pouvait-il bien avoir besoin ? - Mais, mais, non… madame la fée, bégaya-t-il. Vous vous vous trompez de personne. Je ne vous ai pas appelé. D’ailleurs… nous n’avons pas le téléphone à la maison.
- Sébastien, c’est de ton cœur qu’a retenti l’appel et comme je suis chargée de veiller sur tous les enfants de la terre, alors je suis venue à ton aide. Quel est ton désir le plus cher, mon enfant ?
Là, Sébastien se trouva face à une question difficile. Il voulait tant de choses et au même degré d’importance. Il se sentit pris au piège. Puis finalement, après un quart d’heure de lutte intérieure : - Je voudrais connaitre mon père.
« Fée qui donne » le fixa, toujours souriante, d’un regard perçant : - Serais-tu prêt à tout assumer ? déception ou joie ? Car quand on obtient ce qu’on veut, on est soit content, soit déçu par rapport à nos attentes…
- Je suis prêt, dit-il sans hésiter.
Là-dessus, il fut emporté dans un tourbillon jusqu’à une maison délabrée dont la porte penchait du côté droit. Tout dans cet endroit transpirait la misère : un sol boueux et sale, des bouteilles vides empilées dans un coin, des vêtements défraîchis suspendus à un fil. Bref, c’était un spectacle désolant et Sébastien appréhendait l’intérieur de la masure. Mais comme il n’était pas seul, il reprit courage et poussa la porte. Ses yeux prirent quelques secondes avant de s’habituer à l’obscurité de l’unique pièce. Une table en bois trônait au milieu, agrémentée de quatre chaises à l’allure un peu inquiétante. Sur l’une d’elles, était assis un homme dont la tête reposait sur la table, une bouteille de rhum aux trois quarts vide traînait sur le sol près de lui. La bicoque sentait le moisi, pourtant un certain ordre y régnait. Le lit était fait certes, avec un drap ayant connu des jours meilleurs. Un réchaud renversé sur le sol paraissait ne pas avoir servi depuis des lustres.
Sébastien, tout à son examen, se tourna vers la fée, n’osant la questionner sur l’identité de cet homme.
Alors, elle s’approcha de l’ivrogne et lui toucha les épaules. Stupéfait, il se réveilla rapidement et on aurait dit que toute trace d’ivresse l’avait quitté. - Qui êtes-vous ? Que faites-vous chez moi ?
- Je cherche mon père, annonça de but en blanc Sébastien.
- Et… ? En quoi cela me concerne-t-il ?
- Je m’appelle Sébastien Lajoie et je crois que vous êtes mon père…
0 Reviews