Elizabeth n’avait pas entendu sonner son réveil à 6h00, ce matin. D’ailleurs, comment l’aurait-elle pu ! Elle avait à peine fermé l’œil : ce fut une nuit torride au cours de laquelle 25 ans de vie commune avaient été célébrés. Jamais leurs ébats n’avaient connu une telle ardeur, ni une telle intensité. Sauf peut-être durant sa longue semaine de lune de miel … Jean-Pierre s’était surpassé et avait fait naître sa longue liste de fantasmes sous les draps propres et immaculés qu’elle n’avait changés que pour cette occasion spéciale. D’ailleurs, dès le lendemain, ils iraient à la lessive et rejoindraient la pile de literie réservée aux événements d’envergure. C’était ainsi qu’elle avait vu faire sa mère pendant de longues années.
Elle s’étira, prise de douces courbatures et se surprit à sourire, à rêver encore à ce dîner aux chandelles la veille dans leur salon, sorti tout droit de son restaurant favori. Puis ils avaient dansé tous leurs morceaux préférés, allant du compas au classique. Pour finir, dans leur chambre qu’elle avait fait décorer par une experte pour l’occasion. Ce fut une soirée féerique.
Humant l’odeur de son parfum sur l’oreiller, elle se demandait où était passé son chéri lorsque, par la porte entrebâillée de leur chambre, elle entendit du bruit dans la cuisine. Des casseroles qui s’entrechoquaient, des assiettes qui se touchaient, le poêlon qui grésillait : tous, des bruits caractéristiques d’un petit-déjeuner qui se préparait… Les enfants étant absents pour le week-end, cela ne pouvait être que Jean-Pierre, aux fourneaux pour la première fois en vingt-cinq ans !!! Décidément, elle n’en revenait pas et en même temps, se sentait gagnée par un amour démesuré pour cet homme qui la choyait au-delà de ses attentes. Elle se cala donc plus confortablement dans le lit, attendant qu’il l’appelle. Car il n’était pas question pour elle, de refuser, pour une fois, ce cadeau inespéré.
Elle suivait, dans son esprit, tous les mouvements qu’il faisait dans la pièce voisine, l’odeur qui s’en échappait lui mettait l’eau à la bouche. Elle la remplissait aussi d’excitation à la perspective des différentes tactiques qu’elle allait utiliser pour le remercier de ses efforts. Il y eut un silence et elle faillit sauter de son refuge pour aller voir. Mais elle se retint, pas question de materner qui que ce soit aujourd’hui. Grand bien lui fit lorsqu’elle le vit apparaitre avec le plateau-déjeuner en main. Voilà que maintenant, il la servait au lit ! Encore une grande première ! Elle se laissa subjuguée pour la énième fois par son sourire, celui-là même dont elle était tombée amoureuse.
Jean-Pierre lui avait concocté un menu de premier choix : omelettes jambon fromage, petit pain au four, bol de fruits (banane, raisin, papaye, melon), jus d’orange fraîchement pressé, une tranche de gâteau sec. Une unique rose rouge cueillie de leur jardin trônait fièrement au milieu du plateau. Heureuse, elle se pencha et lui vola un long baiser.
- Chéri, il n’y a qu’une assiette : tu ne m’accompagnes pas ?
- Ne t’en fais pas pour moi. J’ai déjà mangé quelque chose car je me suis réveillé avant l’aube. J’ai tout préparé pour toi, tu vas avoir besoin de toutes tes forces pour affronter le reste de la journée.
Elle sourit et affamée, se jeta sur ce savoureux petit-déjeuner d’amour. Il la fixait avec tant de sérieux qu’elle voulut savoir pourquoi. - Rien, chérie. J’admire ton appétit, tout simplement.
- C’est à cause de toutes ces choses que tu m’as faites hier soir, petit coquin. Elles m’ont vidée de toute mon énergie. Je suis déjà impatiente par rapport à toutes les idées de revanche dangereuses qui sont en train de traverser mon esprit, en ce moment.
Il lui jeta un regard énigmatique, mais resta silencieux, continuant à la contempler, comme s’il voulait graver son image dans son esprit.
Rassasiée, elle repoussa le plateau et soupira d’aise. Elle plongerait bien dans leur piscine tout à l’heure, pensa-t-elle. Elle se promit d’y entraîner Jean-Pierre, malgré sa réticence pour les bains de piscine ou de mer. Il la débarrassa de son fardeau en allant le déposer sur le comptoir dans la cuisine. De retour, il lui prit doucement les mains, les embrassa et caressa l’anneau qu’elle portait à son doigt. - Elizabeth, (elle tiqua.) je veux divorcer.
0 Reviews