Une jeunesse kidnappée…

« En hommage à mes anciens élèves que la dépression a terrassés »

On a volé l’insouciance de notre jeunesse. On a pris en otage la soif de vivre et de faire des expériences qu’on racontera plus tard qui est supposée lui donner des ailes et de l’adrénaline pour aller plus loin. On lui a vendu un miroir brisé et elle ne sait plus dans quel morceau se regarder. Elle cherche un sourire dans les yeux de l’autre et elle n’y trouve que le reflet de sa propre amertume. Les mots qu’on utilisait avant pour la stimuler sonnent faux et résonnent fort.

La jeunesse de mon pays vit dans un labyrinthe et ne sait comment s’en sortir. On lui vend un succès à la sauce de la corruption, de la prostitution, du viol, du vol, de la drogue, de la médiocrité et de la barbarie. Tout ceci lui reste en travers de la gorge ; même l’eau ne peut le diluer. De plus, elle doit faire face à une pandémie qui la contraint à se masquer et à masquer ses émotions. Les expressions corporelles qui lui permettaient de conter ses déboires, son ras-le-bol, sa tristesse ou sa joie, sa victoire, sont occultées et mises au second plan par 1,5 mètre de distanciation sociale. Elle a appris de la dure manière que « l’homme est un poison pour l’homme » et qu’une accolade est plus dangereuse qu’un poing levé.

La jeunesse de mon pays est matraquée et au pied du mur. Lorsqu’elle lève les yeux vers le ciel, on lui apprend que les oiseaux ne voleront plus chez elle, à cause du mauvais temps ; qu’elle ne pourra plus migrer parce que partout, elle est persona non grata. Elle est donc poursuivie, arrêtée, bastonnée, emprisonnée, déportée…
« Ceux qui vivent sont ceux qui luttent », dit-on. Pourtant, elle n’a plus la force de lutter car chaque jour, elle apprend que «ceux qui meurent sont ceux qui luttent ». Luttent pour un pays meilleur. Luttent pour des lendemains meilleurs. Luttent pour qu’un jour, ils arrêtent de lutter.

La jeunesse de mon pays s’enlise et tombe dans la dépression. Son courage s’effrite comme le tissu de ces drapeaux qui surplombent les édifices publics et qui ont fait leur temps.

La jeunesse de mon pays perd lentement espoir et hésite entre le rire et les larmes pour sceller sa destinée.

Est-ce qu’avant que son feu s’éteigne, les grands vont comprendre qu’elle souffre et qu’ils doivent réagir ?

Kilè yon jou la jou ???

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